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A la lecture des œuvres imaginées et non réalisées par Edouard Levé (1965-2007), subsiste cette question latente de l’art comme une hypothèse, une possibilité non réduite à sa réalisation.

L’expérience de l’artiste le plus souvent révélée par l’épreuve « in fine » pose la question de la production comme valeur d’accomplissement, alors qu’une autre vision de l’art consisterait en n’en saisir que les méandres et les balbutiements.

La compression saisie dans le gel de sa cristallisation finale, n’efface t’elle pas d’une certaine façon, une quête hagarde et vertigineuse dont le sens serait contraint à son caractère univoque : Sa réalisation ?

L’expérience de Levé en tant que mise à jour d’hypothèses à la réalisation d’œuvres non accomplies, invite à l’errance, à la planification hasardeuse de la conception comme une épreuve de l’art, son questionnement, sa quête non achevée.

C’est justement dans cette quête que Levé, projette la définition de l’art vers un sens ouvert à une architecture mentale, dont aucune projection physique ne vient en achever le terme.

 

Mes derniers travaux Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust et Plus tard j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I Feel Like A Group Of One (Suite Empire)  mesurent cette errance de l’expérience de l’art dans une immersion mentale structurée en hypothèse de théâtre. Une recherche dont la réalisation est donnée visible par l’expérience du plateau.

Au cours des derniers mois, j’ai tenté de synthétiser des hypothèses d’œuvre sans en manifester le désir de leur réalisation de façon concrète.

Rencontres, parcours de plus de 25 000 kilomètres sur le territoire national afin de constituer le texte d’un roman photo à partir de plaques d’entrées de communes aux noms trop communs, immersion à l’intérieur de rêves–maquette, liste des possibles, tentatives d’épuisement…

 

Œuvre /Orgueil  ne promet rien que le vertige d’une quête dont la finalité ne sera jamais nommée.

 Œuvre  existera sous la forme d’un travail de plateau et l’exposition.

Orgueil en sera le revers accompagnera conjointement la proposition de la performance.

Au cours de mes deux derniers travaux  Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust  et  Plus, tard j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I Feel Like A Group Of One (Suite Empire), je n’ai eu de cesse de rencontrer le travail d’Edouard Levé.

La question de la représentation de l’humanité, sans y prendre la place centrale, comme l’a exercé ce dernier, inflige à l’œuvre close de Levé une réflexion tendue sur la dissolution de l’artiste dans son propre geste de création. Son œuvre globale s’étend sur à peine dix années, et paraît bien moins réelle que fantasmée. Entre la conception de plus de 500 œuvres non réalisées pour la plupart, et le manuscrit Suicide qu’il dépose chez son éditeur quelques jours avant de se suicider, Levé construit tout un jeu de langage et d’images dont les notions de double, proposent une réponse à la question du propre et du commun, de l’intime et de l’universel.

Parmi ses travaux, Levé propose des reconstitutions photographiques de tableaux de Maître, de scènes de films pornographiques, de poses de joueurs de rugby au cours d’un match, en restituant pour chacune, une esthétique simplifiée (pas d’expression de visages et costumes neutres). La grammaire de l’artiste explore alors le stéréotype afin de créer un art détaché du message pour une logique d’effacement.

Je retrouve cet effacement dans mon désir d’aborder dans une phase trois de cette prochaine production d’ores et déjà en route, afin de poursuivre le trouble de cette logique d’un art dépourvu d’emphase et dont le sens n’est pas immédiat.

Comment concevoir un propre et éviter le stéréotype ? Comment parler de soi et à autrui sans se mythifier, sans se survaloriser (ou se stéréotyper) pour être certain d’être compris ? Pourquoi traverser dans le spectaculaire et l’art (qui suspend les instances de la communication) la perspective d’être commun ?

Sans être une adaptation à la scène du travail de Levé, encore moins un hommage déguisé à l’artiste, c’est sous aussi sous la forme d’une Œuvre que s’inscrira le processus de création de cette nouvelle pièce dont l’essence s’inspire évidemment du rapport entretenu de Levé avec la question de l’art. Le public convié à l’exercice de ce troisième opus, sera invité à faire l’expérience du désir d’art à travers l’impossibilité à le réaliser, à entretenir intimement cette notion cruciale de l’idée/envie plus forte que son accomplissement physique. Cet inventaire, lieux de toutes les rencontres, de tous les possibles, engagera fortement la forme vers une action brute et sincère.

Le plateau de théâtre hypothétiquement traversé de témoignages, de troubles, où le fortuit danse avec le prévisible, sera cet endroit de l’utopie collective où le cadre du présent épuré par le souvenir, puis recadré par la mémoire involontaire pour acquérir des sens imprévus, ne seront finalement pas ceux qui réclament les présupposés de l’air du temps.

Il faut que ça communique, et pour que ça communique il faut qu’il y ait un terrain d’entente. Il s’agit de s’identifier au plus dénominateur commun que fixent les problématiques du moment. On regarde. On fait l’expérience. Puis on oublie. On passe à autre chose… Etant chorégraphique, le problème de l’art, n’est pas tant littéraire ou plastique que géométrique. Un artiste situé à la bonne distance apparaît définitivement comme celui qui exerçant un art, développe un projet entre le sens et le non-sens, entre le sens trop plein du message (instant) et le sens trop vide de la réification (durée).

Œuvre/Orgueil se joue donc probablement de cet équilibre et probablement encore après la représentation.

 

La création de Œuvre/Orgueil est l’achèvement des deux propositions précédentes, dont le processus même du geste de création, comme simplification de la logique communicationelle, est au cœur du dénouement.

Sur cette scène à envisager comme unique, sont proposés les signes de la représentation comme indices potentiels à des rencontres singulières.

 

Renaud Cojo, Septembre 11


                                                                                                                                                                                           

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