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Haskell Junction est une odyssée paysagère qui prend sa source dans la notion de frontière et librement inspirée par le « Haskell Opéra House » (théâtre - bibliothèque posé sur la frontière des Etats-Unis et du Canada). Le spectacle est pensé comme une fable, un conte politique où les éléments au plateau et sous leur forme cinématographique se répondent afin de constituer une matière vivante et vibrante. Rêve éveillé, fragments, écriture du réel, le propos interroge les limites frontalières dans une scénographie fantasmagorique de paysage inversé où se mêlent réalité et fiction.

Ici, le plateau de théâtre est cette surface performative dans laquelle l’espace est transformé en une architecture mentale vérifiant le principe d’interdit et de transgression. Il est séparé en deux parties: Une terre hostile et une terre promise.

A l’origine, un point focal, le Théâtre Haskell à Stanstead, traversé physiquement par l’expérience du voyage et restitué par un film. Un dialogue particulier s’installe alors en un principe organique dans lequel s’invitent les errances philosophiques, les nombreuses entrées possibles à la fois poétiques et politiques tissant des liens étroits entre métaphore et organisation de la société.

La poésie est d’abord politique parce qu’elle est au cœur du processus de construction identitaire de ceux qui agissent sur scène. Le plateau de théâtre dessine progressivement une communauté particulière servant le processus de construction dans son immédiateté. Ainsi le réel est restitué sous forme de reconstitutions, par exemple en jouant cette rencontre probable des quatre Beatles en 1976, qui pour certains, privés de leur droit d’entrée sur le sol américain, décidaient d’une réunion secrète au Haskell Opéra House afin de mettre au point de nouveaux projets.

De même, la notion de territoire, largement abordée dans sa notion poétique est également traversée par l’expérience des acteurs dont la présence sur scène n’est pas uniquement le fruit de  savoir-faire de théâtre.

Je souhaite dévoiler par couches successives tel un palimpseste, les angoisses et les traumatismes que  constituent la force des frontières et leur réalité politique, transgressive. Les réminiscences effleurent à la surface de la conscience sous forme de flashs liés entre eux par les liens évidents entre film et actions réalisées sur le plateau.

En nourrissant le projet de ma propre expérience de voyageur parcourant de façon anecdotique la ville de Stanstead, je souhaite également m’adresser à l’expérience du spectateur, dont on sait qu’il est également voyageur de sa propre existence.

Ce projet, je le souhaite aussi nourri par le surréalisme, comme un héritage laissé par la récurrence des obsessions et des sentiments refoulés. L’expression de cette intériorité est mise en scène par le jeu des acteurs et actrices. Je voudrais en explorer les mécanismes pour les exprimer plastiquement comme une installation    en art contemporain.

Enfin, avec ce projet neuf je souhaite affirmer à nouveau la réalité d’un théâtre indépendant, confiant les «  rêves mis en scène  » à la réalité d’aujourd’hui, afin d’entrevoir toujours l’éternelle question du trouble face à la réalité du monde et ses modes de représentation.


Renaud Cojo

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