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Dans les années 90, Philip Glass compose deux symphonies dont le matériau sonore est une réinterprétation de certains motifs de deux albums de David Bowie (assisté de Brian Eno) Low (1976) et Heroes (1977). Ces deux opus sont les chemins aventureux d’une trilogie que l’on nomme trop rapidement « trilogie berlinoise » dans la carrière de l’artiste britannique, et dont l’album Lodger en 1979 serait le dernier volet.

Dans son travail, Glass se saisit partiellement des deux œuvres de Bowie, pour écrire ses deux symphonies.

Low est composée de trois mouvements dont la durée totale est de 43 minutes, tandis que Heroes se fragmente en six mouvements d’une durée quasiment identique.

Fondée sur la réitération de courts fragments mélodiques, ces symphonies entraînent le public dans une atmosphère envoûtante, bien loin de tout minimalisme dont on a souvent hélas, définit la musique de Glass.

 

Le Projet 

 

Il s’articule également sur l’axe de la trilogie. Les deux symphonies sont interprétées uniformément sur un espace scénographie, alors que Le Journal de Nathan Adler ou le Meurtre Artistique Rituel de Baby Grace Blue (Un hyper-cycle dramatique gothique non-linéaire) écrit par Bowie lui-même en 96 est interprété par Bertrand Belin entre l’exécution des deux symphonies. 

Le sujet : En 1999, le détective Nathan Adler travaille dans la division « Art-Crime Inc. », chargée d'enquêter sur l'Art-Crime, un nouveau courant artistique utilisant le meurtre comme une forme d'art, dont la dernière victime en date est une jeune fille de 14 ans, Baby Grace Blue. Dans cette œuvre, David Bowie marche sur les traces de Thomas De Quincey, célèbre mangeur d'opium anglais apprécié par Baudelaire et très romantique auteur de De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts. Livre traduit par Pierre Leyris et pillé, bien avant, par nos plus grands.

La spectacularisation de cette trilogie est rendue possible grâce à la puissance de l’œuvre et sa résonnance hypnotique dans un univers filmique, dont la ville de Berlin est le centre.

 

1/ Low Symphonie est la mise en image fictionnelle d’un film de Renaud Cojo dont l’action se déroule à Berlin

2/ Journal de Nathan Adler interprété en direct par Bertrand Belin avec une partie filmée. Stef Kamil Carlens accompagne ce mouvement à partir d’une reprise de Bowie « Art Decade ».

3/ Heroes Symphonie Chorégraphie filmée pour Louise Lecavalier et Fréderic Tavernini dont les images sont générées en direct.

 

Intention 

L’œuvre est une odyssée visuelle et sonore. L’espace scénographique permet une vision accrue sur l’orchestre. L’assemblée des musiciens est surmontée d’un large écran en cyclo. Le plateau est habité par un certain esprit berlinois, de son archi – texture historique, de ces zones laissées en friche par l’histoire, des vestiges qui témoignent des courants post - modernes de la cité, de ses cicatrices, de son atmosphère particulière. L’attention est portée tout particulièrement sur le cadre de scène.

Il s’agit de pénétrer l’œuvre de Glass dans sa résonnance évidente avec les lieux où elle emmène et où elle prend naissance. A la fin des années soixante-dix, après une période de détente pendant la première partie de la décennie, la Guerre - Froide est réactivée par une course à l’armement. C’est dans ce contexte que Bowie décide de s’installer à Berlin-Ouest en 1976 pour s’approprier la ville et la culture, afin d’influencer son propre travail de manière libre et dans l’anonymat le plus complet. Malgré l’image grise, industrielle et encore traversée de son mur, la ville ne finit pas de fasciner Bowie et en particulier la mémoire expressionniste de la peinture et du cinéma.

L’œuvre réappropriée de Glass est traversée de cette présence pesante de l’histoire des lieux, de l’emphase toute nostalgique de son poids.

L’œuvre finale ainsi conceptualisée est un cycle en trois parties :

 

1/ Low : Low est l’errance d’un homme dans un Berlin de friches et de restes mémoriaux, de casernes, de camps, de no man’s land et de traversées sensorielles. Déambulation hypnotique d’une ombre inspirée à son auteur à la fois par  Le journal de Nathan Adler  de David Bowie (1995), et l’interprétation de ce dernier dans le personnage de Thomas Jérome Newton pour le film de Nicholas Roeg  The Man Who Fell To Earth  (1976).


Sur la Symphonie de Philip Glass Low, empruntée elle-même à l’album éponyme de Bowie (1976), les images sont une succession de dérives urbaines dont le cœur du voyage est une esthétique de l’angoisse au cœur de cette ville qui se cherche dans le chaos et telle que l’a côtoyée la rock star dans le milieu des années 70.

En pleine guerre froide et avant que deux grands blocs ne se disloquent., les saignées y sont nombreuses. Ruines, champs de blockhaus, gares abandonnées, Berlin est le personnage central de ce film. Terrain de jeux de toutes les interrogations métaphysiques, ce voyage dans le milieu du crime et de la désolation est la quête d’un passé-présent qui interroge  la notion même du monstre enfoui en chacun. Le chemin aventureux de cette errance est une allégorie fidèle aux mystères de l’identité et à la crise existentielle de l’artiste au cœur de sa propre géographie.

 

2/ Journal de Nathan Adler : L’acteur est cette fois présent sur scène et fait part des traces de son journal sous la forme d’un récit. Il est cette fois, filmé en direct sous forme de décrochages et de désynchronisation. Le silence n’est jamais présent car son intervention est ponctuée du morceau Art Decade (Low 1976) réinterprété pour l’occasion par Stef Kamil Carlens de Zita Swoon Group.

La fin du texte célèbre la vie.

 

3/ Heroes : Mise en image de corps dansants en y introduisant des "nappes" du premier film Low afin de créer le lien dans la globalité de ce projet en trois mouvements. Captation vidéo d’une quinzaine de séquences (calées physiquement sur la musique) fragmentées, distordues, ralenties et donc globalité répétitive constitue totalité de la symphonie. Pour la diffusion de ces images, nous travaillerons sous la forme du VJing.

L’écriture chorégraphique de séquences associent un lien évident avec le premier film Low grâce à la présence de l’acteur que l’on retrouvera conjointement sur cette partie. Pour ce travail, je souhaite m'influencer de l'expressionnisme allemand, de son agressivité et réapproprier une approche contemporaine du Mouvement Brücke.

La chorégraphe Louise Lecavalier accompagnée du danseur Frédéric Tavernini auront à cœur de défendre une énergie idoine à celle de la symphonie Heroes.

 

J’envisage donc de présenter une œuvre complexe, dont l’esthétique noir et blanc des vieux films des années 20, les décors semi-mythiques, construisent une poésie lyrique, surréaliste et personnelle où se mêlent la fantaisie et le chaos. Ce film de 43 minutes à écrire et à tourner en totalité à Berlin est une partie essentielle du projet. Il constitue l’enveloppe visuelle de la première symphonie Low. Nous verrons comment il fait lien avec la deuxième partie de ce triptyque dont le texte de Bowie lui-même est interprété sur scène.

Quand au dernier volet Heroes il est essentiellement dansé et filmé. D’ailleurs l’œuvre en elle-même est une commande de la chorégraphe new-yorkaise Twyla Tharp (1996). Les séquences dansées sont à créer de toute pièces. Cependant il clos le triptyque en assurant sa partie expressive toute empreinte d’une poésie ouverte au message laissé par la force du texte initial de Bowie, sur le titre éponyme de la symphonie :

 

« We Can Be Heroes, Just For one Day ».

                                                                                                                                                                           

Renaud Cojo, Septembre 14

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