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VENDREDI 31 DECEMBRE 1999, 10 h 15

 

Comme pour tout crime, ma première position, est d'examiner de près les mobiles. La récente avalanche, en 98-99, d'agressions conceptuelles, me poussaient fort à conjecturer un meurtre artistique. Tous les précédents étaient là. C'était un crime dont le temps était venu. Il avait sans doute ses origines dans les années 70, avec les castrationistes viennois et les rituels sanglants de Nitsch. Le dégoût du grand public permit de faire silence sur cet épisode, mais on ne peut tenir longtemps les vampires. Alimentés par l'exemple de Chris Burden, qui s'était fait tirer dessus par un de ses collaborateurs dans une galerie, avant d'être fourré dans un sac, jeté sur une autoroute puis crucifié sur le toit d'une Volskvagen, des anecdotes circulaient à travers le néon niais des nuits new-yorkaises, comme quoi un jeune artiste coréen se prêtait à de furtives opérations chirurgicales aux petites heures de l'aube, dans des lieux pas si secrets que ça de la ville. Si vous l'appreniez, vous pouviez aller voir le gars se faisant enlever bout après bout sous anesthésie, une jointure un soir, un membre la fois suivante. Au début des années 80, la rumeur voulait qu'il en soit réduit à un torse et un bras. Il avait demandé à être laissé dans une grotte des Catskills, nourri de temps à autre par ses acolytes. Il n'a pas fait grand chose par la suite. Je crois qu'il a beaucoup lu. Peut-être qu'il a écrit tout un tas. Sans doute ne peut-on jamais dire ce qu'un artiste fera une fois qu'il a atteint son apogée. A peu près à la même époque, Bowie, le chanteur, avait signalé deux débiles qui fréquentaient les bars de Berlin revêtus de tous les insignes de la fonction chirurgicales: bonnets, tabliers, gants de caoutchouc, masques. Tout le tranchant de l'avant-garde. Puis vint Damien Hirst, avec le truc Requin-Vache-Mouton. Pas d'humains, un rituel supportable pour le grand public mondial. Le visage acceptable du gore. Pendant ce temps, aux U.S.A., en 1994, J'était en ville le soir des scarifications d'Athey.

 

David Bowie, Le Journal de Nathan Adler (1995)

le journal de nathan adler (philharmonie de paris), mars 2015 - bertrand belin, stef kamil carlens
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