Devant la fenêtre du Q.G. surchauffé, le commandant s’allume une cigarette, puis, les muscles du visage contractés, il se tourne vers les officiers au garde-à-vous. « Quand notre artillerie aura achevé la préparation du terrain, nos soldats sortiront les gens de leurs trous, les policiers canaliseront les colonnes de réfugiés, et les bandes paramilitaires se chargeront d’exactions. » Le commandant dévisage les officiers. « Qu’en pensez-vous? Meurtres, viols, exécutions sommaires, tortures, génocide, crimes contre l’humanité, toutes ces atrocités font partie de notre stratégie. Nous devons exploiter tous les ressorts de guerre : l’arme de la faim décimera les civils, la haine raciale brûlera les campagnes, les enlèvements achèveront le nettoyage ethnique. Mais n’oubliez pas… » Le commandant plisse les yeux. « La terreur doit être organisée! » Les officiers acquiescent. « Nous créerons la confusion et l’incertitude; nous gagnerons du terrain dans le chaos de situations ambiguës. » Le commandant scrute les officiers, constate avec satisfaction que leurs mains tremblent. « Et les femmes? » Il ouvre la porte du Q.G. surchauffé, inspire l’air froid du couloir, hurle : « Gardes, faites entrer ces chiennes! » Une dizaine de filles en robes outrageusement décolletées entrent dans le Q.G. Le commandant leur ordonne de s’aligner le long du mur, regarde leurs corps soigneusement sélectionnés, puis s’adresse aux officiers (dont les visages fermés ne manifestent aucune surprise). « Les femmes seront détenues dans des caves, soumises à des humiliations et des sévices sexuels. La torture leur apprendra qu’elles doivent avoir honte d’être ce qu’elles sont; le viol leur enseignera qu’elles ne doivent jamais raconter ce qui leur sera arrivé! Elles garderont les séquelles psychologiques des abus, seront marquées physiquement et anéanties intellectuellement. Beaucoup se retrouveront enceintes, d’autres seront contaminées par des maladies vénériennes; toutes vivront dans une terreur constante, développant des tendances suicidaires, souffrant de dépression et de phobie. Bafouer les Droits de l’Homme est notre but! Et ce but ne sera jamais atteint si les femmes ne sont pas réduites en esclavage! » Les officiers avalent leur salive. Le commandant dégaine son revolver. « Avez-vous compris, bande de porcs? Notre dictature montrera au monde entier qu’un État fort reste impuni quels que soient les crimes qu’il commet! » Les officiers (comme un seul homme) déboutonnent leurs braguettes et empoignent leurs queues bandées.
Pavel Hak, Sniper (Tristram), 2002)